Vendredi 13 novembre à Paris
Dans la nuit de ce 13 novembre à Paris,
Des morts, des blessés, du sang, des explosions et des tirs.
Et puis la panique, la peur et l’effroi.
La violence imbécile et aveugle qui dicte la vengeance.
La barbarie venue du camp de la haine.
Le camp de la vie souffle de ne pas répondre.
Comme une façon de surprendre, d’intriguer et d’arrêter le jeu de massacre.
Pour montrer une autre face de soi-même. Pour suggérer qu’un autre chemin est possible.
Je me recueille devant un trottoir couvert de fleurs et de petits lumignons.
En rentrant, je mets sur ma fenêtre une bougie, qui malgré le vent, ne s’éteint pas.
Ce lundi midi, je reste en silence avec d’autres anonymes.
Comment a-t-on pu en arriver là ?
Pourquoi faut-il toujours un drame pour faire réfléchir et réagir ?
Pourquoi faut-il que des innocents meurent ?
Et que les vies de ceux qui restent, soient à ce point dévastées ? Pour toujours sans doute.
Je les soutiens. Je les aide. Je les console.
Je les vois pleurer et je pleure avec eux.
Je les serre tour à tour dans mes bras. Je les embrasse.
Je suis là. Simplement présent là où la souffrance s’installe.
J’écoute le gémissement de la blessure de chacun.
J’ai presque honte de ne pas être blessé.
Et puis, quand le temps est venu,
Je renoue le dialogue avec celui que j’avais toujours cru éloigné de mes valeurs.
Je lui parle. Il me parle.
Les mots, les intonations, les regards viennent naturellement apaiser la soif d’en découdre.
On se trouve même quelques points communs et après avoir parlé, on se sent mieux.
Les limites de certains choix politiques
Je pars manifester contre les terroristes.
Je vais manifester aussi contre le commerce et le trafic des armes qui les approvisionnent.
Notre économie dût-elle en souffrir,
J’irai manifester demain, pour qu’on cesse le business avec ceux qui tuent la jeunesse.
Je reste en silence pendant toutes ces manifestations.
Le bruit du silence sera plus fort que le bruit des balles dans Paris,
Plus impressionnant que celui des bombes en Syrie.
Je ne peux pas rendre à ceux qui les ont perdus, les enfants, les fiancés ou les amis.
Je ne peux rien pour eux. Je n’ai rien à leur donner en compensation.
Rien à leur offrir. Mais avec eux nous construirons la paix.
Eux savent maintenant, combien elle est importante. Vitale.
J’aime entendre en ce moment tous ceux qui n’ont plus peur de se dire « je t’aime ».
J’aime voir les visages de tous ceux avec qui je pleure.
Ils sont devenus plus humains, plus authentiques, plus beaux.
En partageant la détresse de ces visages,
Je mesure les limites de certains choix,
Qu’ils soient politiques, stratégiques, environnementaux, économiques.
Je suis certainement un peu responsable.
Je ne chanterai pas « La Marseillaise »; d’ailleurs je n’ai pas le cœur à chanter.
Je ne crierai pas « Vive la France »; j’aurais trop peur d’oublier ou d’exclure quelqu’un.
Tout doucement je murmurerai à l’oreille de tous ces martyrs et de leurs familles :
Que vivent, un jour et pour toujours, la Liberté, l’Égalité, et la Fraternité.
Norbert MOUIREN
Illustration d’après le dessin d’Arcadio Esquivel paru dans le Courrier International
Contact : contact@motsenliberte.fr