Un curé très professionnel
Le téléphone sonne. C’est une amie.
L’état de santé de son mari, Antoine, vient de brusquement s’aggraver.
Il est au plus mal. Elle compte sur nous.
Elle demande notre présence, notre soutien, nos prières.
Nous savions Antoine bien malade. Il est maintenant condamné.
Condamné aussi depuis de nombreuses semaines à garder le lit.
D’où il regarde la messe à la télévision tous les dimanches.
Sans pouvoir communier, m’avait-il confié lors de notre dernier passage.
Nous irons le visiter. Je lui porterai la communion. Ce sera son réconfort.
Je téléphone au curé de la paroisse, pour lui demander de me confier une hostie pour Antoine.
Le répondeur me prévient de son absence :
« Vous êtes sur le portable PROFESSIONNEL du père Éric Gillet, laissez votre message,
et MA secrétaire vous rappellera ».
Bon sang ! Notre curé est devenu un PROFESSIONNEL du Bon Dieu.
Et pour l’aider dans sa profession, il a SA secrétaire.
Sacré Éric, il se la pète ou quoi ?
Je raccroche. Trop peur de ce qui pourrait suivre :
- Pour un baptême, taper 1
- Pour une inscription au catéchisme, taper 2
- Pour un mariage, taper 3
- Pour des obsèques, taper 4
- Pour m’inviter à manger, taper 5
Alors que Jésus avait demandé aux apôtres de quitter leurs professions pour le suivre, notre curé, lui, est en quête d’une profession.
Une profession appelée sans doute à être répertoriée par Pôle Emploi qui proposera bientôt, çà et là, les places vacantes.
Notre curé fait le métier de curé. Après tout, il n’y a pas de sots métiers…
Et moi qui croyais à la mission, à l’appel, à la vocation.
Il y en a même qui disaient qu’ils donnaient leur vie à Dieu !
Je ne veux pas en rester là.
Je tente un autre numéro d’un prêtre que j’ai jadis connu.
Dans son message, il n’y a pas de secrétaire et il me promet de rappeler.
J’essaye encore un numéro. J’ai une certaine collection de numéros de prêtres.
Celui-là a beaucoup de responsabilités en plus de sa paroisse.
Pourtant, il n’a pas de secrétaire attitrée non plus. Il me rappellera.
Assez rapidement, les deux prennent contact.
Ils m’écoutent et me proposent une solution pour porter la communion à Antoine.
Ils se dérangent. Ils m’offrent un peu de leur précieux temps.
Ils m’assurent de leurs prières pour Antoine, le mari de notre amie.
Ce ne sont pas des professionnels.
Ils n’ont pas de secrétaire particulière.
Même s’il doit bien en exister une ou deux, affectées à la paroisse.
Ils sont restés des hommes disponibles.
Ils sont les prêtres que préconise le pape François.
Ils ont compris que l’essentiel est dans la relation, le partage avec chacun.
Ils n’ont pas installé de filtres entre eux et moi.
Ce sont des pasteurs, pas des fonctionnaires.
Ils sont proches, je suis leur « prochain ». Je suis rassuré.
Ouf ! Notre curé « professionnel » n’est qu’une exception.
Une exception provisoire… Je l’espère.
Norbert MOUIREN
Contact : contact@motsenliberte.fr
Quelle triste réalité que celles de nos prêtres qui bien trop surchargés ont imaginé que s’adjoindre une secrétaire réglerait les problèmes de ses ouailles